Je ne sais pas pourquoi j’écris.
J’écris dans la douleur et pourtant il me semble que cela me soulage.
J’essaie d’oublier qu’un autre pourrait me lire.
Ça m’effraie. Un peu.Parfois.
Mais je crois que ,plus ou moins inconsciemment, je l’espère.
J’ai beau cherché, je ne sais toujours pas pourquoi exactement.La solitude ?
Je parle dans le vent, en pleine tempête.
J’ai pris mon temps pour reprendre le clavier. Souvent j’en ai eu l’envie. L’appréhension d’accoucher encore sans péridurale m’en dissuade trop souvent.
La peur qu’être honnête avec sois-même ne résonne encore que comme une gifle en pleine gueule.
« Tu la voyais pas commença ta vie quand t’étais p’tit» (dixit Souchon), sauf que je n’ai ni attaché-case ni tapioca-potage-et-salsifis.Conscience que personne ne la voyait comme « ça » sa vie quand il était p’tit. Ce serait trop facile ! Mais quand même…
Dés le collège j’aurais pu comprendre qu’elle ne serait pas comme « ça » ma vie, j’ai été con.C’est quel âge le collège ? 11 ans ? 12 ans ? Je ne sais plus. Quatre longues et terriblement interminables années à pleurer ou vomir d’angoisse.La première option n’étant pas incompatible avec la seconde.
L’entrée en 6ème marqua aussi le début de la dépression de ma mère et de son lent phagocytage par le canapé du salon.Quelques années auparavant, mes parents avaient alors « fait construire » à la campagne.
On rentrait tard.
Mon père cumulait les heures sup’ et son rôle de père avec celui de mère de substitution qu’il tentait tant bien que mal de tenir.
On rentrait tard mais je crois aussi que mon père n’avait pas une trop grande hâte à retrouver le foyer. Quand tout allait bien, on retrouvait ma mère médicamentisée dans son canapé, inaccessible, ailleurs, loin, très loin de tout et surtout de nous.Quand ça n’allait pas, elle était évanoui quelque part. L’entrée, les toilettes, le salon,…
Elle aimait bien jouait avec les anxiolytiques et les anti-dépresseurs, ma mère.Seule la journée elle fermait la porte, les volets et n’ouvrait à personne.
Petit à petit, même quand nous étions réunis à ses côtés, plus personne ne passa.
Je n’osais alors pas encore m’avouer que ses longs séjours en hôpital psychiatrique étaient devenus pour moi comme de petites éclaircies dans un ciel longtemps bien trop chargé.
Mon père était alors encore moins présent et encore plus inquiet.Je crois sincèrement qu’un autre moins amoureux se serait sauvé depuis longtemps. Lui était là, fidèle serviteur, râlant mais obéissant, ne rechignant jamais à endosser un nouveau rôle , fatigué, stressé, speedé mais toujours à ses côtés alors qu’elle n’en avait qu’à peine conscience. Ce n’était jamais assez.
Il n’y a que pour la cuisine que mon père avait déclaré forfait. Mon frère et moi étions souvent chargés de nous préparer nous-même le repas du soir, ma jeune soeur devant subir avec plus ou moins de compréhension le fruit de nos expériences culinaires désastreuses.
Bref, ce n’était peut-être pas un environnement familial le plus sain et épanouissant qui puisse être mais, le dimanche soir, essayant de ralentir la course du temps dans mon lit, les entrailles déjà nouées, que n’aurais-je pas sacrifier pour y rester et ne pas rempiler au collège ?
Du collège, j’en ai surtout retenu ce fameux « coup du poteau ».
Il suffisait pour cela que je sois accusé d’avoir regardé la mauvaise personne, d’avoir souri alors qu’on ne le voulait pas, que ma veste ne soit pas au goût de certains ou de tout autre chose tout aussi futile que j’aurais du faire ou ne pas faire pour me voir saisir 2 par par les bras, 2 par les jambes, bien écartées, courant hilares jusqu’au poteau métallique du préau qui arrêtera brutalement la cavalcade contre mon entre-jambe.Au moins une fois par semaine.La seule incertitude était de connaître le jour et l’heure, souvent après la cantine, chaque dimanche soir je me demandais quel jour j’y passerais.Les crachats, les gnons, les insultes, les humiliations pouvaient me paraître indolores à côté.
Parfois.
J’avais peur et j’étais seul.
Devant la convention établie de fait, qui aurait osé s’afficher aux côtés du débile ?Même les surveillants participaient pour certains à la rigolade générale avec plus ou moins de passive complicité. J’avais bien repéré un petit groupe qui m’apparaissait comme étant de bonne compagnie mais alors que je tentais de m’y insérer maladroitement leur « arrête de nous suivre comme un petit chien » gela mes espoirs. Je n’aimais pas le foot, la compétition, le sport, les bagnoles, etc… ni Stéphane Collaro ou Benny Hill .
Un gars dont il fallait se méfier. Ça se comprend hein!Moi j’aimais lire, écrire, dessiner, peindre, pêcher, faire des maquettes, apprendre le plus de choses possibles dans une foule de domaines , la nature, les animaux, les oiseaux, l’espace, l’Histoire,… et bien entendu les filles !
Du haut de mes cocards je considérais comme une petite revanche d’aller acheter la revue porno pour les grands de 3ème qui n’avaient pas le courage d’affronter le regard réprobateur du kiosquier.
Une des pires journées que j’ai pu y connaître, dans cette saloperie de collège, est le jour où je remportais un prix à un concours de poésie.Cette audace, alliée au fait d’être le fils de leur ancien instituteur, me fit irrémédiablement basculer dans la pire des cases.Celle de fayot/fils-à-papa.
Je ne me suis jamais battu au collège.Je le regrette mais je n’y arrivais pas.J’avais peur de faire mal, un truc comme ça, ce qui, je l’avoue, est très con.
Je n’ai pu en approcher le pourquoi que bien des années plus tard quand après avoir été diagnostiqué « HPI-hypersensible » je me renseignais sur cette pathologie .
Au moment où je tape sur ce fichu clavier ça fait très mode et semble hyper tendance d’être HPI et/ou hypersensible.
Personnellement, je n’ai que des angoisses depuis que le même diagnostique est tombé sur ma fille. Je ne me suis jamais battu mais je répondais.Je crois que c’est là que tout s’est inscrit dans la durée.
A « fils de pute » je répondais « tu diras à ton père qu’il doit encore 50 balles à ma mère pour sa branlette molle », et autres réparties du même cru.
J’aurais pu, j’aurais même sans doute du fermer ma gueule et ravaler ce sentiment de dégoût profond pour la bêtise mais encore aujourd’hui je n’y parviens pas.La bêtise n’a jamais aucune excuse.
J’étais souvent malade. Des fois je simulais pour trouver refuge chez mes grands-parents, des fois non.J’éclatais en sanglots en plein cours ou sortait vite vomir dans le couloir et tout cela ne faisait qu’aggraver mon cas.Je regardais souvent par la fenêtre de la classe, dehors les voitures , les passants, les oiseaux, la vie, la liberté.
Bien entendu, il était des jours où, oeil au beurre noir en avant et blouson déchiré, je ne pouvais pas cacher tout cela à mes parents.
Enfin, quand je dis « à mes parents », je veux dire à mon père qui me trainait alors chez le proviseur pour identifier sur photo les auteurs du méfait.Mais j’avais bien conscience que de les pointer du doigt ne ferait qu’empirer choses.
Les autres jours je faisais en sorte que tout passe comme un jour d’une banalité absolue, calme et anodin.Il en aurait été autrement que je ne suis toujours pas certain que mon père, accaparé jalousement par ma mère, eut pu s’en apercevoir. Je tentais d’exorciser en me créant par le dessin des protecteurs imaginaires, armés de haches, de cornes, de crocs et de tous ces accessoires qui me conduisirent chez un psychologue qui me demanda de lui dessiner ce qui me venait en tête.Je lui dessinais un cow-boy lambda.
Il me demanda ce que ça représentait pour moi.
Je lui répondis « un cow-boy ».
Je ne le revis plus jamais.