16 Jun
16Jun

  La nuit est devenue une adversaire.

   Les heures sombres.

  Je la sens peu à peu m’enserrer, me briser les côtes.

   Ressent-on toujours plus douloureusement la fatalité de la solitude entouré du soir ?

  Quand le jour décline il m’entraîne avec lui. Depuis peu, même l’abrutissement télévisé ne suffit plus. Il m’insupporte, ne noie plus mes pensées, n’accompagne plus ma lassitude.

  Lire est trop souvent une épreuve, ma mémoire efface les mots au fur et à mesure de leur lecture. Au soir, la nuit, j’attends.Et je n’oublie jamais que j’attends.

  Je surveille. 

  J’attends le moment où je me sentirai assez de force et de courage pour m’affronter, là, dans mon lit, tentant l’assoupissement sans oublier de surveiller mes pensées. 

  Ne pas remuer la merde, essayer ,faire cesser toute rediffusion.Les mauvaises nuits je rêve, toujours les mêmes histoires de maison quelque part avec un voyage  en voiture pour s’y rendre et des amis, parfois une amie, tendre, une pièce oubliée ou en travaux, une rivière.Les mauvaises nuits, ce sont les nuits de cauchemars.

  Toujours à peu prés identiques, pareilles aux rêves exceptés certains détails. 


  Des reproches, la peur, du sang, des regrets.


   L’impuissance.

   La honte.

   Le réveil en sursaut, le coeur qui délire, mal aux côtes et aux gencives, les poumons comme bloqués, la recherche d’un Xanax dans la boîte de nuit.

   Un ou deux ? Plus?

  Sentir sa peau grasse.

   La nuit c’est le soir.Le soir c’est l’hiver.L’hiver c’est Noël.Noël c’est janvier et janvier c’est le 7.

  La prise de conscience ne change rien. Ou elle aggrave.

   Est-ce que si j’étais moins seul et isolé…?

  Je donnerais le change, je pense.

   Epuisant.

  Pire qu’être seul, être seul à deux !

   Là, ici, personne.

   Mon ombre.

  Elle n’y a qu’elle qui peut survivre ici. C’est elle le matin qui prépare mon café, me torche, me nourrit, s’occupe de mes chiens, travaille, répond au téléphone et trouve des idées de dessins rigolos.

  Il y a bien des instant où je réussi à lui échapper.

  Une absence dans le jardin par un rayon de soleil frais, la beauté lumineuse d’un paysage, une odeur.

  Je surveille et j’essaie. 

  Alors j’écris.

  Je me contraint à me scruter là, bien en face. C’est difficile.

   Déjà il faut éviter les travers, ne pas que cela m’emmène encore plus profond ni rejoindre la légèreté illusoire de l’ombre.

  Il me semble qu’une fois terminé, cela m’apaise un peu. Rien ne dit que ça marchera longtemps.

  Ça permet d’attendre.

  Le piège est ne pas penser à écrire une fois la lumière éteinte, la tête dans l’oreiller. 

  Forcer les courts métrages agréables, ressusciter les instants de beauté, tenir le fil du scénario, espérer toujours en vain qu’il s’immiscera dans le rêve.S’imaginer sur la route, dans le froid, sous la pluie et enfin au chaud, un refuge isolé, au chaud, la moiteur d’un lit, en espérant que cela calmera les angoisses.

  Tout est vain.Tout revient.

   Qu’au dernier moment de ma vie, la minute précédent ma mort, je pèse ma conscience légère et parte dans un soupir de sérénité , j’ai toujours vu la vie ainsi. Je m’y suis efforcé. Pas de coups bas, pas d’abandon, pas d’égoïsme. Se respecter et respecter ses valeurs. La propagande par l’exemple.

   Ou en suis-je à présent ? 

  « Une chance de cocu » me dit Didier avec humour.« Une chance » m’a-t-on dit, « une chance » me dit-on toujours.

  Une chance. 

  Une chance de quoi ?

  Une chance de ne pas avoir été là ? Une chance ?

  Avoir promis à Stéphane, ne pas avoir tenu parole.

  Stéphane a toujours était là pour moi, lui.

  Et Bernard ? On venait de se réconcilier. Je lui avais aussi promis à lui que je serai là.Je lui avais promis un resto, pour fêter ça. Un bon, le midi.« Tu me rassures, j’ai cru que t’étais devenu un gros con !», la dernière chose qu’il m’ait dite.

   L’effet papillon.

   La théorie du chaos.

   Et si ?

  Toutes les nuits je ne peux m’empêcher de retravailler le scénario.

  J’en ai des pelletés.

  La nuit, je creuse.

CE SITE A ÉTÉ CONSTRUIT EN UTILISANT