L’été.
J’aimerais retrouvé la joie de l’avoir tant attendu.
L’hiver est passé, plus douloureusement encore que je n’avais espéré l’imaginer.
Pourtant personne ne fut là pour raviver la plaie. Pas de coups de fils de charognards, pas d’hommages particuliers, aucune référence,…. que dalle ou presque.Il n’y avait que moi.
Et je crois que je commence à comprendre que je peux parfois être mon pire ennemi.
Il y a bien des années, dans une autre vie, je décomptais les trop longues journées qui me séparaient de l’été, des vacances, des GRANDES vacances.
Comme une libération.
Depuis je m’aperçois que je n’ai plus rien à attendre.
Les jours passent, les nuits, les saisons sans que rien ne puisse venir assoir la sensation du temps qui passe.
Je me lève, péniblement, tente de passer moins de deux heures ma tasse de café à la main puis vais m’installer au boulot.
Le mois dernier pourtant j’ai osé, je suis sorti.
Poussé par Marie, je me suis surpris à accepter de participer à un congrès syndical du côté de Toulon.
Je n’étais pas sorti depuis 6 ans.
Et puis il est vrai que la perspective de voir d’autres paysages avec de vieilles figures sympathiques d’un autre temps avait fini par me convaincre.Je redoutais presque autant de prendre le train que de remettre un pied à Paris ne serait-ce que pour choper rapidement une correspondance entre deux gares.
L’aller fut sans trop de soucis, la pharmacopée aidant. Le fait de voyager en groupe y était sans doute aussi pour beaucoup.J’étais pourtant bien anxieux à l’idée de revoir autant de monde.
Le retour quant à lui, seul, fut bien plus pénible et je rentrais avec la sale sensation de retrouver ma tombe après avoir traversé tout un cimetière gothique et ses fantômes.
La semaine que je passais là-bas, dans le sud, fut pourtant bien agréable et enrichissante si l’on excepte ce jour où je quittais l’assemblée la rage au ventre, la nausée aux tripes, demandant à rentrer le plus tôt possible après avoir entendu dans la bouche de certain(e)s des propos que n’auraient pas renié les frères Kouachi.
Je me suis surpris à rire avec d’autres, à discuter sans effort et même à ne pas avoir à me forcer à y prendre du plaisir.
Il y avait cette fille aussi. Je l’avais trouvé jolie.Je n’ai rien tenté, ni même rien tenté d’imaginer. Je me suis juste dit qu’elle était belle et que ça faisait du bien de me le dire.Puis je suis rentré et bien vite tout s’est envolé.Je retrouve cette pendule bloquée et ce temps qui ne passent pas ou si mal.
Je m’efforce à maintenir le cap même si je ne sais plus très bien depuis bien longtemps vers quoi je me dirige et encore moins pourquoi.Je continue, je travaille, je me dis que c’est pour Marie, pour ma fille, ses études, son studio, ses vacances… c’est la seule raison, la seule excuse que j’y trouve.
De plus en plus, de vieilles envies de routes, de sac à dos, de petits chemins perdus refont surface. Partir. Loin. Ailleurs.Vivre au jour le jour, dormir où l’on peut, n’importe où mais loins des villes, fuir le monde et me régaler de géographie, de petits instants et de choses simples et directes.Mais je ne le fais pas, je reste comme un fossile du moi-même d’avant, pétrifié, je ne peux pas me vautrer dans l’égoïsme et lâcher la main de Marie. Du moins, c’est la seule raison, la seule excuse que je trouve.
Peut-être faut-il plus cherché du côté de la lâcheté.
Alors je reste et je travaille.
J’essaie au mieux d’assurer le quotidien.
Le calendrier me dit que nous somme le 5 du mois, mon compte me dit lui que nous sommes déjà bien à la fin du mois.Pourtant je reste et je travaille.
Même si cela s’avère de plus en plus difficile.
L’image que me renvoie mon miroir me fait désormais de plus en plus souvent m’étonner. Je ne reconnais pas toujours ce type aux yeux fatigués, la bouille mangée par une barbe plus que grisonnante.
Je me dis alors que je suis à un âge que Stéphane n’aura jamais et ça m’inflige des sentiments étranges que je n’aime pas.Je me trouve si petit, si misérable, si nul quand je vois comment d’autres plus directement concernés par l’événement ont su surmonter l’épreuve. Apparemment tout au moins.
Je suis dans une boucle.
A force de tenter de m’en enfuir, à me débattre ainsi dans tous les sens, de m’y cogner, d’y rassembler de moins en moins de forces pour m’y relever à demi KO je n’y fait que des noeuds.
Toujours plus de noeuds.